Loi 15 — Régimes de retraite du secteur municipal

Mise à jour – Avril 2024 

La Cour suprême du Canada vient de rendre sa décision en lien avec les demandes de permission d’appeler, déposées par les associations syndicales et le procureur général du Québec. Les deux demandes sont rejetées par la Cour, et, comme le veut la pratique, cette décision n’a pas à être motivée. 

Il y aura des étapes ultérieures en lien avec l’indemnisation des retraités au sens de la Loi 15 (les participants qui ont commencé à recevoir une rente de retraite ou qui en ont fait la demande à l’administrateur du régime entre le 1 janvier et le 12 juin 2014 sont considérés comme des retraités au 31 décembre 2013). 

En ce qui a trait aux retraités ayant pris leur retraite après le 31 décembre 2013, le maintien de la décision de l’honorable juge Moulin de la Cour supérieure du Québec et de celle de la Cour d’appel du Québec ont pour effet, entre autres, qu’aucune indexation automatique de la rente à la retraite ne peut leur être accordée. Toutefois, une indexation ponctuelle de la rente peut être prévue lorsqu’un excédent est constaté dans une évaluation actuarielle postérieure à celle du 31 décembre 2013. En ce qui concerne les participants retraités, la conclusion a été atteinte, mais la seconde partie de la cause, qui concerne les réparations nécessaires, doit encore être traitée. Dans le cas du Régime complémentaire de retraite pour les employés de la Régie intermunicipale de police Roussillon, la seconde partie de la cause n'aura pas d'incidence car l'indexation automatique des rentes des retraités n'a pas été suspendue.

Nous nous battons depuis près de 10 ans pour la défense des droits de l’ensemble des retraités touchés par cette loi. Il est donc important de souligner la victoire pour certains retraités ayant déjà pris leur retraite au moment de l’entrée en vigueur de la loi en 2014. Cependant, cette décision va créer deux classes de retraités faisant en sorte que la victoire n’est que partielle. 

Mise à jour — Septembre 2023

Dans le dossier de la Loi 15 sur les régimes de retraite municipaux, la décision de la Cour d’appel rendue en mai dernier nous permet d’avoir confiance dans la résolution positive de notre dossier.

En effet, la Cour d’appel a maintenu la décision qui déclarait invalide la mesure qui permet aux villes de suspendre l’indexation des rentes de leurs retraités. Une mesure très similaire à celles que nous contestons. 

Cette décision de la Cour d’appel n’est pas encore finale, le PGQ ayant demandé à la Cour suprême du Canada l’autorisation de la porter en appel. La Cour suprême du Canada décidera si elle accepte d’entendre l’appel au cours des 3 à 6 prochains mois.

Mise à jour — Mai 2023

La Cour d’appel du Québec a rendu, le 10 mai 2023, son jugement dans le dossier de contestation de la Loi 15. La Cour conclut que la Loi 15 sur les régimes de retraite municipaux, en vigueur depuis 2014 au Québec, porte atteinte à la liberté d’association des participants. Elle déclare invalide la mesure permettant aux villes de suspendre l’indexation des rentes des retraités, mais maintient les dispositions visant les travailleurs actifs au nom de la santé financière et de la pérennité des régimes.

Les avocats prendront connaissance du dossier et contacteront l'AQRP par la suite. Tant que les parties n'auront pas pris de décision au sujet de cet appel, il n'y a rien qui change et il n'y a aucune action à prendre pour le moment.


Mise à jour — décembre 2022

RÉSUMÉ DE LA PRÉSENTATION DEVANT LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC

La Cour d’appel du Québec a entendu, du 21 au 24 novembre derniers, la cause visant la contestation de la Loi 15, « Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite dans le secteur municipal ». Les juges Robert M. Minville, Jocelyn F. Rancourt et Suzanne Gagné composaient le banc chargé d’entendre cette affaire.

Rappelons-nous que le jugement de première instance, rendu en juillet 2020 par l’honorable juge Benoit Moulin de la Cour supérieure, donnait raison aux retraités au sens de la Loi 15, soit ceux qui recevaient une rente ou qui ont demandé de recevoir une rente avant le 13 juin 2014, et déclarait que les dispositions de la loi abolissant l’indexation automatique étaient contraires aux chartes. Le Procureur général du Québec ainsi que la Ville de Montréal ont porté cette décision en appel et les différents syndicats municipaux ont également porté en appel la décision du juge Moulin qui concluait que, pour les participants actifs, les mesures incluses dans la Loi 15 ne portaient pas atteinte à la liberté d’association. Voilà donc le litige qu’avait à entendre la Cour d’appel du Québec.

La position du Procureur général du Québec et de la Ville de Montréal en lien avec l’indexation automatique des retraités

Pour le Procureur général et la Ville de Montréal, il était présumément primordial de faire participer les retraités au remboursement des déficits passés présents dans différents régimes de retraite municipaux.

Il s’agissait selon eux d’une question d’équité. Le juge de première instance en était plutôt venu à la conclusion que, pour lui, il n’existait pas nécessairement de lien entre l’indexation automatique d’une rente et la création d’un déficit. Le juge Moulin écrivait :

« [509] Il est reconnu que le bénéfice d’une indexation automatique affecte à la hausse le coût d’un régime de retraite et donc des cotisations requises, ce qui ne veut pas dire toutefois qu’un régime de retraite prévoyant l’indexation automatique de la rente de retraite coûte nécessairement plus cher qu’un autre qui n’en prévoit pas. Le coût varie en effet en fonction d’autres considérations comme la base de calcul de la rente elle-même ou la présence d’autres bénéfices. »[1]

Notons que les trois (3) juges de la Cour d’appel ont également questionné lors de l’audience, l’avocat du Procureur général sur cette question et qu’au final, ce dernier a dû admettre qu’aucune étude chiffrée ne démontrait le lien entre des déficits passés et l’indexation automatique d’une rente.

Le Procureur général a également soutenu que le fait de couper l’indexation automatique d’une rente était la mesure la moins « attentatoire » pour les retraités. Selon le Procureur général du Québec, l’indexation que l’on coupe n’est pas l’équivalent d’une coupure sur la rente elle-même. Force est d’admettre que cet argument n’a pas été retenu par le juge de première instance et que les juges de la Cour d’appel n’ont pas manifesté non plus un grand intérêt pour cet argument. Nous croyons que la Cour, avant de se questionner sur la mesure qui serait « la moins pire » pour les retraités, doit d’abord se convaincre que le gouvernement était justifié d’adopter une mesure quelconque à l’endroit des retraités.

Pour déterminer si une loi ou une portion d’une loi contrevient à la liberté d’association au sens de la charte, le Tribunal doit conclure :

  • Que la ou les mesures contestées constituent une entrave substantielle à la liberté d’association ;
  • Si oui, que cette mesure était justifiée ;
  • Que cette mesure constituait une « atteinte minimale ».

Ce sont là les critères développés par la jurisprudence émanant, entre autres, de la Cour suprême du Canada. Le juge de première instance avait dans un premier temps conclu que la coupure de l’indexation automatique constituait une entrave substantielle et qu’elle ne pouvait se justifier tout en ne constituant pas une atteinte minimale.

Bien qu’il soit toujours délicat et imprudent de tenter de « deviner » ce que la Cour d’appel va rendre comme jugement, il est possible cependant d’affirmer que les trois (3) juges du Tribunal d’appel se questionnaient sérieusement quant à la prétention du Procureur général du Québec à l’effet que la coupure d’indexation automatique ne constituait pas une « entrave substantielle ». Également, la Cour a longuement interrogé l’avocat du Procureur général quant à la justification d’une telle mesure, et également quant au fait qu’il s’agissait de l’une des mesures constituant une « atteinte minimale ». N’oublions pas que seuls les retraités qui voyaient leurs rentes indexées automatiquement ont été appelés à participer à la résorption des déficits passés. Notons que les arguments développés par la Ville de Montréal étaient uniquement en soutien à ceux du Procureur général et qu’il n’a donc pas lieu de les reproduire.

Il importe également de mentionner que l’argumentaire développé pour les retraités au sens de la Loi 15, donc ceux recevant une rente ou ayant fait une demande de recevoir une rente avant le 13 juin 2014, s’applique également à tous les autres retraités qui le sont devenus depuis le 13 juin 2014. En effet, bien que le juge de première instance n’ait pas invalidé les dispositions visant la perte de l’indexation automatique pour les retraités ci-haut décrits, il a été plaidé devant la Cour d’appel que cette classe de retraités devrait être traitée de la même manière que ceux qui recevaient déjà une rente ou qui avaient fait une telle demande avant le 13 juin 2014. Ainsi, toute personne visée par la Loi 15 et ayant pris sa retraite depuis le 13 juin 2014 devrait avoir droit au rétablissement de son indexation automatique si la Cour d’appel nous donne raison dans son jugement à être rendu.

Rappelons que l’Association québécoise des retraité(e)s des secteurs public et parapublic, en collaboration avec l’Association du personnel retraité de la Ville de Québec (APRVQ), l’Organisation des retraité(es) de l’entretien et du transport de Montréal (ORETM) et l’Association des retraités municipaux de St-Laurent (ARMSL) ont déposé devant la Cour supérieure du Québec, le 1er octobre 2015, une requête visant à contester la validité constitutionnelle de la loi. 

Conclusions

Suite à l’audience tenue devant la Cour d’appel, il y a tout lieu de demeurer optimiste quant au fait que le jugement de première instance, invalidant les dispositions de la Loi 15 portant sur la coupure de l’indexation automatique, soit maintenu. Le fait d’être optimiste ne constitue pas une garantie de succès, mais les commentaires et interrogations des juges nous permettent certainement d’affirmer que la Cour d’appel du Québec a bien mesuré l’ampleur des enjeux pour les retraités et pris très sérieusement en compte les arguments de l’honorable juge de première instance.

[1]    Jugement de première instance rendu en juillet 2020 par l’honorable juge Benoit Moulin de la Cour supérieure


Mise à jour — août 2022

La Cour d’appel du Québec a confirmé aux parties au dossier des contestations de la Loi 15 (Loi RRSM) que leur audience respective se tiendra les 21, 22 et 23 novembre 2022, dans la salle Lamer, à Montréal, devant les juges Robert M. Mainville, Jocelyn F. Rancourt et Suzanne Gagné. 

Rappelons que la Cour donne raison aux retraités et conclut que certains articles de la Loi 15 (articles 16 et 17) portent atteinte au droit au processus de négociation collective des retraités et cette atteinte constitue une entrave substantielle à la liberté d’association.

Mise à jour - janvier 2021

Le Procureur général fera appel sur la partie de la décision concernant les retraités. Rappelons que la Cour donne raison aux retraités et conclut que certains articles de la Loi 15 (articles 16 et 17) portent atteinte au droit au processus de négociation collective des retraités et cette atteinte constitue une entrave substantielle à la liberté d’association.

La partie syndicale, quant à elle, avait pris la décision de faire appel dès le dépôt du jugement (sur la partie de la décision qui concerne les participants actifs).

Les étapes franchies en 2021

  • Début 2021 : Conférence de gestion (devant un banc de 3 juges) pour établir le tronc commun des 13 appels des syndicats
  • 27 mai 2021 : Date limite du procureur pour produire son mémoire (argumentation menant à l’appel)
  • 21 octobre 2021 : Date limite de notre avocat dans le dossier (Me Leblanc) pour produire son mémoire (réponse aux arguments du procureur)

Début 2022

Le dossier sera en état d’être entendu. Les auditions devraient durer de 5 à 6 jours.

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CONTEXTE

La Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal, ou Loi 15, modifie les engagements contractuels passés entre les villes et leurs employés en matière de rentes versées aux retraités. Cette loi provient de l’adoption du projet de loi 3 sur la réforme des régimes de retraite par l’Assemblée nationale, en décembre 2014. Les conséquences de cette loi sur les régimes de retraite municipaux sont sévères et affectent directement le pouvoir d’achat des retraités des secteurs municipaux.

L’Association dénonce le caractère arbitraire de l’application de la Loi 15 par les villes de Québec et de Montréal : « Lorsqu’on gère un contrat avec des employés, on ne peut décider selon les circonstances du moment d’appauvrir les retraités », a condamné Donald Tremblay, qui était président de l’AQRP à l’époque de l’adoption de la loi. Louis Proulx, représentant de l’Organisation des retraités(es) de l’entretien du transport de Montréal (ORE-TM), a rappelé quant à lui que « cette loi légalise la rupture de contrat et constitue un retour inacceptable sur les ententes passées, ce qui est incompatible avec les valeurs qui caractérisent une société de droit. Si le gouvernement entend appliquer cette même logique au sein des universités et dans le secteur public, ce sera plusieurs centaines d’autres milliers de retraités et de familles québécoises qui en subiront les conséquences financières, et ce, aléatoirement ».

Contestation devant la Cour supérieure

L’AQRP, en collaboration avec l’Association du personnel retraité de la Ville de Québec (APRVQ) et l’ORE-TM, a déposé devant la Cour supérieure du Québec, le 1er octobre 2015, une requête visant à contester la validité constitutionnelle de la loi.

Treize autres requêtes ont été déposées par des syndicats, des associations d’employés et des regroupements de syndicats. Le dossier des quatorze requêtes a été confié à l’honorable Benoit Moulin par le juge en chef de la Cour supérieure du Québec. 

Après plusieurs conférences de gestion avec les procureurs des parties, les audiences ont commencé le 24 septembre 2018. Elles se sont poursuivies jusqu’au mois de juin 2019. Somme toute, les témoignages d’experts inclus et les preuves présentées, tant par les parties demanderesses que par les parties défenderesses, ont nécessité quelque quatre-vingt-dix jours d’audience.  

Par la suite, du 19 juillet au 2 août, l’honorable juge Moulin a entendu les plaidoiries des procureurs des parties demanderesses au Palais de justice de Québec. Les plaidoiries des avocats du Procureur général du Québec et de quelques municipalités ont, quant à elles, débuté le lundi 26 août 2019 au Palais de justice de Québec et se sont poursuivies jusqu’au 30 août. 

Au terme de ces deux semaines de plaidoiries, l’honorable juge Moulin s’est retiré pour analyser tous les éléments pertinents de l’ensemble du dossier et examiner les règles de droit soulevées ainsi que la jurisprudence. Il devait rendre sa décision dans les six mois suivant la fin des audiences. Toutefois, en raison de la pandémie, les délais ont été retardés et nous avons reçu le verdict le 9 juillet 2020.

Communiqué émis le 10 juillet 2020

Analyse du jugement 

Participants actifs

Concernant les participants actifs au 1er janvier 2014 et retraités après cette date, les dispositions de la Loi 15 ne sont pas inconstitutionnelles selon la Cour et, bien que certaines de ses dispositions représentent des ingérences dans la négociation collective, elles ne portent pas atteinte de façon substantielle à la liberté d’association. Le juge écrit que selon la preuve apportée par le Procureur général du Québec, une telle entrave est justifiée en vertu de l’article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Retraités au 31 décembre 2013

L’article 62 de la Loi 15 précise que les participants qui ont commencé à recevoir une rente de retraite ou qui en ont fait la demande à l’administrateur du régime entre le 1er janvier 2014 et le 12 juin 2014 sont aussi considérés être des retraités au 31 décembre 2013.

À l’égard des retraités, la Cour en vient à une conclusion différente. Après avoir analysé la preuve des demandeurs, dont celle de l’Association des retraités de la Ville de Québec, la Cour conclut que certains articles de la Loi 15 (articles 16 et 17) portent atteinte à leur droit au processus de négociation collective et cette atteinte constitue une entrave substantielle à la liberté d’association.

Sommairement, l’article 16 permet à un organisme municipal concerné de suspendre de manière discrétionnaire, en totalité ou en partie, l’indexation de la rente des retraités. Quant à l’article 17, celui-ci prévoit que l’organisme municipal qui désire se prévaloir du pouvoir de suspendre l’indexation doit informer les retraités de son intention et leur donner l’occasion de se faire entendre. 

Dans son jugement, le juge Moulin mentionne entre autres : 

 « Comme mentionné précédemment, les effets de cette abolition sur les participants actifs peuvent faire l’objet de négociation avec l’employeur et peuvent se résorber. Ce n’est pas le cas des retraités. En réalité, ces derniers n’ont pas voix au chapitre. »

« Le terme “suspension” peut permettre de penser que l’effet de la mesure n’est que temporaire. »

 « Ce n’est pas ce que la loi envisage. En effet, l’indexation pourra être rétablie seulement en cas d’excédent d’actif dans le volet antérieur, constaté dans une évaluation actuarielle postérieure à celle établie avec des données arrêtées au 31 décembre 2015 et dans la seule mesure de l’excédent disponible, s’il en est. Et encore, le rétablissement n’est effectif que jusqu’à l’évaluation actuarielle suivante. »

« Autrement dit, ce qui était un droit acquis est ramené au rang de probabilité. »

« En somme, à l’égard des retraités, la Loi 15 autorise une partie à modifier seule des stipulations prévues dans des conventions collectives ou autres ententes qui s’appliquaient à eux alors qu’ils occupaient leur emploi. Ce faisant, la Loi 15 porte atteinte à leur droit au processus de négociation collective. »

« Cette atteinte, contrairement à ce que déterminé dans le cas des participants actifs, constitue une entrave substantielle à la liberté d’association ».

En bref, la Cour :

  • déclare les articles 16 et 17 inconstitutionnels, invalides et inopérants, ainsi que la dernière phrase de l’article 26 de la Loi 15 qui se lit comme suit : « L’indexation de la rente des retraités au 31 décembre 2013 peut être suspendue conformément à la section III du chapitre II. »
  • rejette les demandes quant à leurs conclusions visant à faire déclarer inconstitutionnelles, invalides et inopérantes les autres dispositions de la Loi 15.

Le juge a donc estimé que la décision unilatérale de suspendre l’indexation des rentes de retraites constitue une entrave à la liberté d’association et de négociation. La Cour demeure donc saisie du dossier pour statuer sur les demandes en réparation en faveur des retraités. L’Association tiendra ses membres informés de la suite du processus.

Autres documents :

Communiqué de presse : Application de la Loi 15 à Québec et Montréal : l’AQRP, l’APRVQ et l’ORE-TM rappellent que le dossier est devant les tribunaux. Lire l’article.

En février 2019, l’Association a fait parvenir une lettre à ses membres affectés par la Loi 15 pour leur expliquer les derniers avancements dans le dossier. Pour lire la lettre, cliquez ici