MOT DU PRÉSIDENT

Extrait de la revue Reflets de décembre 2024 (p. 3)

PAUL-RENÉ ROY

MOT DU PRÉSIDENT

RÉFLEXIONS PERSONNELLES SUR CE QUI NOUS DÉFINIT 

« L’important, ce n’est pas d’être le meilleur ou la meilleure, l’important, c’est d’être unique ! »

  • Robert Lepage

Unique, Robert Lepage l’est, et pas à peu près. Grâce à son écriture novatrice et à ses mises en scène audacieuses, il est devenu une référence dans le monde des arts de la scène et bien au-delà. Sa renommée n’est plus à faire, ni ici ni à l’étranger. Il y a maintenant une manière Lepage reconnue de faire et de produire les choses.

Rassurez-vous ! Je ne veux pas que vous pensiez que nous devons tous devenir des petits Robert Lepage. Si j’en parle, c’est pour présenter les dessous de ce que je pourrais appeler la quête identitaire personnelle. 

À l’âge de cinq ans, le jeune Robert Lepage apprend qu’il est atteint d’alopécie, communément appelée la maladie des chats, qui se manifeste par la chute des cheveux et des poils et qui est irréversible. De son propre aveu, il est alors un enfant timide et solitaire sur qui s’ajoute un poids supplémentaire puisqu’il fait l’objet des moqueries des autres enfants.

Il lui a fallu s’introspecter pour trouver en lui quelque chose à quoi se raccrocher pour trouver son individualité, son unicité. Comme en chacun d’entre nous, il y avait en lui une lueur éphémère et intermittente qui ne demandait pas mieux que de devenir permanente et continue. Il a fini par la trouver, grâce au Conservatoire d’art dramatique — on connaît la suite.

Ce type de cheminement survient en chacun d’entre nous et prend plus ou moins de temps. C’est cette quête de notre caractère unique qui, à mon avis, façonne notre personnalité et fait que dans le regard de notre entourage, proche ou lointain, on devient quelqu’un avec qui d’autres ont envie de faire un bon bout de chemin. Et à partir du moment où on s’y retrouve, on est aussi capable de reconnaître le caractère unique de chaque membre de son entourage.

L’actualité littéraire des derniers mois m’a mené à parcourir certains ouvrages bien écrits et parlants, qui m’ont touché individuellement mais aussi par leur caractéristique commune : le vécu de leurs auteurs rend très bien compte de leur unicité. J’en ai retenu trois pour la présente chronique et vous les présente ci-dessous.

Depuis la pandémie, nous sommes plus que jamais conscients de la réalité vécue dans les CHSLD, qui est loin d’être rose : le manque de personnel s’y traduit par une réduction du temps consacré aux soins de chaque résident et, par conséquent, de leur qualité. Pourtant, il se déroule dans les CHSLD de belles expériences dont on entend moins parler. À preuve, le livre touchant de Pierrot Lambert intitulé Au seuil du silence : chroniques d’un séjour en CHSLD. L’auteur a accompagné son épouse pendant les presque trois ans qui ont précédé son décès, et raconte dans son livre des anecdotes, drôles ou moins drôles, dans lesquelles on sent toujours l’espérance, la solidarité et le dévouement du personnel. Il a trouvé son unicité dans tout cela, puisqu’il est maintenant animateur spirituel dans ledit CHSLD.

Avez-vous déjà remarqué que les enfants, particulièrement les garçons, ont une fascination pour les camions à ordures, fascination qui semble s’effacer avec l’âge, peut-être parce qu’on a tendance à voir le métier de vidangeur comme n’étant pas très valorisant ? Dans Ordures ! Journal d’un vidangeur, Simon Paré-Poupart, qui a étudié en sociologie et en administration internationale, nous raconte sa passion pour ce métier, qu’il exerce depuis 20 ans et qui le fait se sentir unique.

Dans Rue Duplessis : ma petite noirceur, Jean Philippe Pleau raconte son passage d’une famille ouvrière à des études universitaires en sociologie jusqu’à son métier d’animateur de radio. Comme il le dit, il est « aujourd’hui étranger au monde d’où il vient, sans vraiment appartenir à celui dans lequel il a abouti ». Malgré cette déchirure sociale, c’est-à-dire ce changement de classe sociale, il a tout de même trouvé son caractère unique. Ce livre m’a particulièrement touché parce que j’ai connu un cheminement semblable. Issu d’un milieu assez modeste, j’ai eu accès, grâce aux sacrifices et à la détermination de mes parents, à des études supérieures qui m’ont permis de trouver mon unicité.

Je m’en voudrais de terminer cette chronique sans parler d’un ouvrage remarquable et plein d’humanité intitulé Vénérables, du photojournaliste Jacques Nadeau, autrefois au journal Le Devoir. Dans ce très beau livre, l’auteur a utilisé son œil de photographe pour rendre compte de l’unicité de plus de 80 personnalités québécoises d’âge vénérable. Sur la couverture figure notre Fanfreluche nationale, Kim Yaroshevskaya, qui nous démontre du haut de ses 101 ans que la beauté n’a pas d’âge et que son regard sur le monde est unique.

Merci à tous de nous montrer votre côté unique.


2024

Septembre - La fierté par et dans l'engagement

Juin - Nos forces : la constance et la persévérance

Mars - Une vie heureuse, une vie réussie, cela ressemble au bonheur 

2023

Décembre - Ces mots qui dérangent au point de devenir des maux